5 mois à Kanawa, partie 2

\o/

J'étais encore à Paris quand j'ai commencé à m'intéresser à ce que j'allais bien pouvoir faire pendant ce voyage. En prenant ma douche à la fin d'une de mes dernières séances de plongée en piscine dans le club où j'étais inscris, mon instructeur m'avait dit "si j'étais à ta place, j'irais passer ma certification de Divemaster", ce que j'avais acquiescé tout en pensant "ah ouais, ben tiens, manquerait plus que je devienne Divemaster...". Bon, c'est chose faite depuis début juillet, me voilà devenu Divemaster PADI numéro 312101.

J'ai commencé à y réfléchir un peu plus juste avant d'arriver à Koh Tao en Thailande, mais les sites de plongées du coin ne m'avaient pas spécialement excité. J'ai regardé un peu sur la route que j'avais plus ou moins prévu de faire dans les prochains temps les endroits intéressants où plonger et passer quelques mois : la Malaisie a quelques endroits cools, et puis l'Indonésie : le nord de Sumatra, tout autour de Bali, les îles Gilis de Lombok, pleins d'endroits à Sulawesi ... et je me suis arrêté en lisant des commentaires sur le parc naturel de Komodo, grosso-modo coincé entre l'île de Komodo à l'ouest et l'île de Flores à l'est. Et, même si on peut trouver encore mieux (en continuant dans les régions reculées de l'est de l'Indonésie, ça devient de mieux en mieux mais de plus en plus difficile d'accès...), c'est déjà plutôt "pas mal".

Le coin est une zone pas très large, coincé entre ces deux îles. Le sud-ouest de l'océan Pacifique entre en connexion avec le nord-est de l'océan Indien au niveau de l'Indonésie, et chacun se jette dans l'un et l'autre au gré des marées. À vue de nez sur une carte, tout semble connecté ensemble, mais dans les faits, c'est des masses d'eau gigantesques qui se déversent d'un océan à un autre et qui se retrouvent à passer entre toutes ses îles faisant partie de l'Indonésie : le pays se transforme en une espèce de grande passoire à trous dans laquelle on force des quantités phénoménales d'eau de mer à passer dans un sens ou dans un autre. Et on essaie de plonger dans ces trous (entre les îles), au moment où il y a pas mal de courant. Parce qu'avec toute cette eau arrive également pleins de nutriments et de nourriture pour les poissons, et ceux-ci suivent, et ceux qui mangent les poissons suivent aussi. Associé au fait que le parc n'était pas encore super accessible il y a quelques années de ça et a donc été assez protégé du tourisme, c'est un endroit assez exceptionnel pour plonger.

http://www.youtube.com/watch?v=oVn-mQXIxt0

Si on choisit le bon moment, on se retrouve avec un courant qui pousse plutôt pas mal, la plupart du temps tout droit, mais aussi dans l'autre sens, un peu sur les côtés, vers le haut, vers le bas. Les poissons se donnent à coeur joie dedans à nager à contre-courant, à passer d'un recoin protégé par la forme d'un rocher et à se faire propulser dans tout les sens au moment où ils pénètrent le courant. Des gros groupes de poissons passent tout les jours dans les parages, suivis de près par les poissons plus gros qui chassent les poissons plus petits, et les requins. On voit régulièrement des raies mantas de plusieurs mètres de large, bouche grande ouverte face au courant, en bougeant à peine leurs ailes en attendant que le plancton passe dans leur bouche. Des groupes d'une cinquantaine de thons, ou alors un thon tout seul de 3 mètres de long. Et puis des endroits où le courant se transforme en une espèce de machine à laver et où les bulles des plongeurs se retrouvent à rester au fond de l'eau plutôt qu'à remonter à la surface, des endroits où même en s'accrochant à deux mains sur des rochers, on évite de trop bouger la tête sur les côtés pour pas se faire arracher le masque du visage, ou le détendeur, des plongées sensées durées une heure et qui durent 15 minutes parce que le courant nous a poussé un peu plus vite que prévu... Et ces moments où on attend un courant plutôt fort, que tout le monde est briffé comme si on allait lâcher un bataillon de parachutiste sur un point stratégique ennemi, l'oeil qui brille dans le masque, la main tenant le détendeur tremblant un peu, et on plonge, et c'est le calme le plus total, ces moments où les 4 marées d'à peu près 6 heures se transforment en 3 marées de 4, 9 et 12 heures et qui fout en l'air toute les prévisions sur les plongées à venir. Ça, c'est le parc naturel de Komodo, et mon job était de guider les gens là dedans.

http://www.youtube.com/watch?v=Zh0T10vCkCA

Pour moi, la journée commence vraiment quand le bateau part du jetty vers 7h du matin. Aujourd'hui, on part avec le "kapal kecil" (le petit bateau), nommé Sea Pickle, au mop-mop caractéristique. Après quelques minutes de trajet, le deuxième moteur démarre dans un rugissement infernal et pousse le bateau encore plus vite, tout droit. Comme très souvent ces jours-ci, le vent souffle bien et la mer est agitée en conséquence, avec de belles vagues qui font rouler le bateau et éclabousse le pont arrière où les "invités" (comme on les surnommes) attendent d'arriver à destination. Je profite de la petite heure de trajet pour aller profiter d'un moment de calme tout à l'avant du bateau, où le bruit du moteur se fait beaucoup plus distant et où le soleil n'arrive pas encore à accéder de toute sa force. Écouteurs sur les oreilles, je profite du paysage et des îles qui défilent sous mes yeux, l'air frais en plein visage. Mais, rapidement, il est l'heure de sortir ma plus belle plume pour une séance de dessin. Je dois retourner à l'arrière du bateau, sans tomber (c'est pas très large pour passer, et ça glisse un peu généralement), je sors le tableau blanc et mon feutre effaçable pour dessiner la fameuse carte du site de plongée. Aujourd'hui, on va a Manta Point pour essayer de voir des raies mantas (Je pense renommer le site un jour et l'appeler "Divers Point", l'endroit où les raies mantas viennent pour voir des plongeurs.) Je jette un rapide coup d'oeil aux plongeurs que je vais devoir guider pour me rappeler un peu leur niveau et ce que je sais d'eux pour adapter légèrement mon briefing à leurs spécificités. Et puis je dessine : le nom du site, les paramètres techniques, un schéma grossier de la topographie, qu'est-ce qu'on espère pouvoir voir là bas, et quelques recommandations particulières pour ce site. C'est un peu laborieux, surtout après la 20ème fois où on redessine la même chose, mais ça me permet de me concentrer sur ce qui va se passer et me rappelle ce que je vais devoir faire face pendant a plongée. 10 minutes plus tard, la carte est prête. Ça tombe bien, on passe devant un autre site de plongée, "Tatawa Kecil", une toute petite île encerclée par des courants et qui donne un bon aperçu des courants qu'on va devoir faire face un peu plus loin. Comme on avait prévu, la mer est déchaînée aujourd'hui : la marée descend et le courant d'eau vient du nord vers le sud. Au sud de l'île, un énorme sillage de mer plate s'étend sur plusieurs centaines de mètres, rythmé ici et là par des "bassins plats" provoqués par des courants montants et par quelques petits tourbillons provoqués eux par des courants descendants. En arrivant au bord du sillage, la mer se lève, les vagues s'agrandissent d'un coup et les bassins et les tourbillons deviennent plus fort, gros, et plus nombreux. Et puis on passe de l'autre coté, le bateau ralenti, essaie de passer entres les vagues, se fait balloter dans tout les sens et finalement arrive à sortir de cette zone très agitée pour continuer sa route. Le sourire au coin des lèvres, je jette un coup d'oeil en arrière en me disant que ça va être sportif. Mes "invités", eux, ne pipent pas un mot et se regardent un peu de travers en se demandant s'ils ont bien fait de se lever ce matin.

Briefing de Tatawa Besar

Puis arrive l'heure du briefing. Je regroupe tout le monde sur le ponton arrière, puis sortant mon plus beau franglais de ma poche et parlant d'une voix forte et articulée comme j'en ai l'habitude, je commence à leur raconter dans quoi ils sont tombés. Je tente de les rassurer, tout en leur mettant un peu la pression pour ce qu'ils doivent faire sans que je puisse les aider : le courant va être fort, il faut sauter rapidement du bateau, tous ensemble, gilet dégonflé, prêt à descendre, et descendre le plus rapidement possible pour éviter que le groupe ne se disperse. Ensuite, ils peuvent se relaxer et profiter de la plongée, à condition qu'ils s'accrochent bien à deux mains si jamais on voit des mantas. Les réaction sont mixées : ça va de celui qui s'est endormi pendant les explications à celui qui stresse légèrement de peur de ne pas arriver à suivre le groupe. Mais bien sûr, à la fin tout le monde à parfaitement compris ce que j'ai raconté et est prêt à en découdre. Ça tombe bien, le bateau se rapproche de l'île de Komodo, le fond de l'eau devient plus clair à mesure que la profondeur sous la coque diminue : il est temps de se préparer. Quelques minutes plus tard, combinaison enfilée, équipement sur le dos, tout le monde est prêt à se mettre à l'eau. Juste avant, j'ai fais un tour dans l'eau juste avec mon masque en m'accrochant à une corde du bateau pour avoir une idée d'où on se trouve, de la profondeur, et de la force du courant. De retour sur le bateau, je demande au capitaine de déplacer un peu le bateau pour avoir, au jugé, une petite dizaine de mètres de fond. Je m'équipe à mon tour, le bateau ralenti et s'arrête et il est l'heure de sauter. Je donne le signal à tout le monde, et hop, c'est parti.

Une fois dans l'eau et les bulles d'air suffisament dispersées pour que j'ai une idée d'où je vais, je souffle à fond et je me mets à palmer vers le fond tout en analysant la situation : ya un courant de malade aujourd'hui et on a sauté juste au dessus d'un banc de "Rainbow Runner", des poissons argentés d'une vingtaine de centimètres de long avec une belle rayure bleue et rouge sur les cotés, un beau banc de plus d'une centaine d'individus qui se dispersent pour se remettre à leur occupation peu après (c'est-à-dire : manger des trucs qui flotte). Arrivé au fond, même en ayant palmé de toutes mes forces contre le courant, j'ai déjà dérivé d'une bonne vingtaine de mètres. Je m'accroche à pleine main à un bout de corail mort et me retourne pour voir le résultat : une ou deux personnes sont encore en train de descendre mais bientôt arrivé, mais le reste à suivi et me jette des coups d'oeil pour savoir la suite. Je sors mon stick en métal pour taper contre ma bouteille, comme on taperait une cuillère à café sur une tasse de café, pour attirer l'attention de tout le monde, et je leur fais un signe qui dit quelque chose comme "allez, on y va". Et on se laisse porter par le courant.

Le fond ici est principalement constitué de bout de corail détruit, un peu comme un pierrier, mais presque plat. Je sais pas ce qui a pu se passer pour que le paysage se transforme comme ça, mais quelque chose de majeur a dû ravager tout la zone : étant donné la surface impactée et la quasi-systématicité du décor, je penche aujourd'hui plus pour une catastrophe naturelle, comme un séisme ou un tsunami qui a dû détruire toute la zone... Mais quand même, à certains endroits, le corail est encore de très bonne qualité, à l'air plutôt "neuf", mais toujours entouré de tout les cotés par des poissons, petits & gros, qui nagent comme des dératés contre le courant pour rester sur place (pas facile la vie de poisson de récif dans ce coin...) Étant donné à la vitesse qu'on va, pas besoin de palmer, et on peut juste croiser les bras et regarder le décor défilé. Il faut faire gaffe un peu des fois, si on n'évite pas les quelques rochers couverts de coraux qui dépassent, on peut s'y écraser facilement dessus (heureusement, il n'y en a pas trop...) Je regarde plusieurs fois derrière moi pour voir si tout le monde suit, et le stress du démarrage passé, tout le monde a les yeux grands ouverts et semble apprécier la balade : il y a pas mal de poissons, des petits spots de corail et le courant ajoute un peu de technique à tout ça. Au détour d'une table de corail, on repère des fois les queues de jeunes requins de récif en train dormir sous la table. Quand on y jette un coup d'oeil de plus près, ils s'éloignent lentement avec leur tête de chat tout droit sorti d'une bande dessinée... pour revenir la plupart du temps se reposer au même endroit quand on est parti (dur la vie de requin).

Mais on n'est en fait pas vraiment là pour voir les requins. Je scrute tant bien que mal tout autour de moi pour repérer des raies mantas. À force de se concentrer sur le lointain, je me mets à voir des grandes ombres un peu partout, mais c'est mon cerveau qui a un peu du mal et en fait d'ombres de raies, c'est juste des ombres de... rien en fait. Puis, une de ces ombres se profile pour devenir un gros rocher couvert de corail et de poissons et derrière, tada, apparaît la raie manta tant convoitée. Étant devant tout le groupe, je suis le premier à la voir et je me mets à taper sur ma bouteille avec mon stick pour alerter tout le monde. Puis, je me mets à nager en direction du rocher en pointant la raie avec le même stick pour que les gens puissent voir ce que j'ai vu : en position Harry Potter, j'essaie de lancer des Alohomora dans ma tête, mais rien ne sort de ma baguette magique :(

En fait, c'est là que le fun arrive vraiment : on arrive juste sur le coté du rocher et il faut faire vite pour repérer un endroit où s'accrocher pour rester sur place. Pas facile dans le coin, car le fond, c'est principalement des cailloux de coraux gros comme mon poing et c'est pas top pour s'arrêter, d'autant plus que le courant aujourd'hui est super fort. Mais avec un peu d'oeil, je repère quelques cailloux plus gros qui ressortent du fond et qui ont l'air de pouvoir me supporter. Le premier que je prends est en fait à peine enfoncer dans le sol et s'en va avec moi, le deuxième tient bien le coup. Je me brûle un peu au passage en effleurant un corail "mou" en forme de fougère, qui piquent comme des orties. Une fois agrippé (tout se joue en mois de 10 secondes la plupart du temps), je jette un coup d'oeil derrière moi pour voir où sont les autres. Là, c'est pas gagné par contre, un est un peu loin pour bien voir, un autre essaie de nager encore contre le courant, un autre vient de s'accrocher à ma bouteille et le dernier est en bonne position et semble content. Je me décale un peu sur mon rocher et fais signe à celui qui est accroché à moi de s'accrocher là où j'étais avant, puis "ding ding ding", je fais signe à celui qui est en train de nager comme un dératé près du sol, dans un nuage de bulles d'air, de s'accrocher à un rocher un peu plus loin, puis re-"ding ding ding" pour dire au dernier qu'il y a un rocher plus près qui lui permettra de mieux voir, là, juste à coté de moi. Finalement, tout le monde est en place pour le show. La raie est en train de tourner autour de ce gros rocher en face de nous en battant des "ailes" lentement, nageant dans le courant comme si il n'y en avait pas, entourée par une dizaine de poissons plus petits (qui eux, nagent tout ce qu'ils peuvent pour rester dans le coin) qui la nettoie : on se trouve juste devant une fameuse "station de nettoyage", où les poissons et les raies viennent se faire refaire une beauté pendant plusieurs minutes par tout un ensemble de poissons nettoyeurs et poissons chirurgiens. De temps en temps, elle donne quelques embardés, comme si un poisson l'avait titillée juste sur un nerf. Pour l'occasion, une deuxième raie viendra la rejoindre pendant quelques minutes de plus puis elles s'en iront après une douzaine de minutes de spectacle. Pendant tout ce temps, je jette régulièrement un oeil à tout le monde pour voir si tout va bien, mais tout le monde a l'air concentré sur les deux bêtes. Tant mieux pour eux, car quand je tourne la tête face au courant, la puissance de l'eau contre mon visage me plaque le masque sur la tête et manque de m'arracher mon détendeur de la bouche.

Au palier de sécurité

Enfin, il n'y a "plus rien" à voir, je re-ding sur ma bouteille et fais signe aux autres de repartir. On recommencera l'opération une ou deux fois de plus pendant la plongée à d'autres endroits avant de commencer à remonter vers des fonds moins profonds. Même si tout se passe pas si profond que ça, aux alentours d'une douzaine de mètres, l'excitation de la plongée, le stress causé par le courant, l'excitation en voyant les premières mantas suivie de la nage effréné contre le courant pour arriver à un endroit où on peut s'arrêter (et puis celui qui continuait à nager contre le courant...) font que l'air des bouteilles de tout le monde a été siphonné plutôt rapidement... Après 45 minutes de plongée, nous voilà arriver vers la "fin" du site, où le courant disparaît presque complètement, pour une certaine raison. On remonte lentement le long d'un magnifique jardin de corail, avec de grand coraux en forme de fleur de rose de plusieurs mètres de diamètres. Un des gars a vraiment plus beaucoup d'air, mais j'en ai encore pas mal en stock, et je lui file mon détendeur de secours pour partager ma réserve pendant quelques minutes afin de lui laisser un peu de marge pour la toute fin. Puis, on arrive finalement dans la zone des 6 / 7 mètres de profondeur. Je lui fais signe de reprendre son détendeur, et je sors mon parachute de surface, une espèce de grosse bouée gonflable en forme de saucisse d'un bon mètre et demi de longueur. D'une main, je tiens la corde de 6 mètres reliée à la bouée, et de l'autre, j'envoie un peu de mon air par le dessus du parachute pour le faire gonfler, à l'aide de mon détendeur. Puis, d'une pression bien sentie, j'envoie cette fois une grosse quantité d'air qui rempli la bouée qui file vers la surface : lancement réussi, je fais signe à tout les autres plongeurs qu'il est l'heure de terminer la plongée par un palier de sécurité, en restant 3 minutes à 5 mètres, mais tout le monde avait déjà compris en me voyant lancer mon parachute. En attendant que le décompte se termine sur mon ordinateur, on se laisse mollement poussé par le courant quelques mètres au dessus du corail et de tout ces poissons. Un peu plus loin, on passe au-dessus d'une tortue en train de "brouter" dans le corail : elle relève mollement la tête et nous jette un coup d'oeil avec ces yeux de tortue un peu endormis. On ne la dérange pas pour autant et elle se remet vite au travail...

Finalement, le décompte se termine, et je fais signe à tout le monde de remonter à la surface. Chacun sort la tête de l'eau, gonfle son gilet, crache son détendeur et enlève son masque, les yeux pétillants et le sourire sur la bouche : c'était une plongée impressionnante mais tout le monde s'en est sorti sans dommage et le challenge en valait bien la peine au dire de tout le monde... Le bateau n'est pas très loin, le capitaine a la faculté de repérer mon parachute de surface parmi les parachutes de surface des autres groupes de plongeurs sur le site, quoi que pas très nombreux ce jour là... Tout le monde remonte sur le bateau, et ce n'était que la première plongée de la journée... Une journée typique en somme...


Préparation du bateau le matin

Mais toutes les journées n'étaient pas comme ça non plus. Plonger dans le parc de Komodo arrivait en moyenne tout les 3 jours et on partait pour deux ou trois plongées dans la journée. Mais à celà, la vie sur l'île ne manquait pas d'activité. Le matin, il faut se lever à 6h pour préparer le bateau : on transporte les sacs chargés d'équipement depuis le centre de plongée sur le jetty jusqu'au bateau, tirés sur un chariot. Ça roule pas très bien dans le sable, il y a une petite montée juste pour grimper de la plage sur le jetty puis ce fameux jetty aux planches branlantes et pas droites. Si c'est pas l'équipement à transporter, c'est les bouteilles d'air à ramener depuis la "salle compresseur", en fait un cabanon au pied de la colline, un peu en retrait du reste pour faire moins de bruit. Un plaisir sans cesse renouveler que de promener le chariot contenant 8 bouteilles pleines sur toute l'île (elles ont beau être en aluminium, elles pèsent bien plusieurs kilos chacunes), surtout en fin de journée quand le bateau revient, et que le soleil a cogné pendant plusieurs heures sur le sable. On se met à courir malgré le poids à tirer, en faisant la grimace et on arrive en haut (avec des bouteilles vides) ou en bas (avec des bouteilles pleines), les pieds brulants, la peau ruisselante de sueur, bien décidé à ne pas recommencer... Sauf qu'il reste encore 2 ou 3 chariots à tirer... C'est donc ça qu'on appelle une "île paradisiaque" alors !... Si jamais on arrive à se dérober du chariot, on s'attèle à la tâche beaucoup plus intéressantes qui consiste à nettoyer tout l'équipement des "invités", en les plongeants dans des réservoirs d'eau douce pour enlever l'eau de mer, ou nettoyer les combinaisons de plongée en les trempants de l'eau douce plus un espèce de désinfectant doux, puis à étendre tout ça pour que ça sèche. Puis tout rentrer en fin de journée, et préparer la journée d'après...

http://www.youtube.com/watch?v=cZhobdSE-MY

Mais un des avantages d'être sur l'île est aussi de pouvoir plonger en 5 minutes : on récupère son matériel, on traverse le ponton et on peut sauter du bout pour plonger le fameux "House Reef" (le récif de la maison). Sans être exceptionnel, on y trouve pas mal de trucs cools, comme des hippocampes pygmés (taille : 1 cm de long, 1 mm de diamètre. Oui, il faut de bon yeux. Oui, il faut être fou pour chercher ça.), des tortues (dont la fameuse "tortue bourrée", qui passe sa journée à dormir la tête encastrée dans le corail), des grosses sèches qui changent de couleurs et de forme, des pieuvres, des gros bancs de poissons, des requins si on a du bol (ou alors on essaye de forcer la chance avec la "bouteille à requins"...), des raies et d'autres trucs du genre. C'est aussi ici qu'on donne des cours et qu'on fait plonger les gens qui font des baptêmes. En tant que Divemaster, je ne peux pas donner des cours (je ne suis pas instructeur), mais je peux être assistant et faire des démonstrations des exercices à faire sous l'eau pour passer les examens.

Mais mes tâches principales restent quand même de faire faire des baptêmes et de guider les gens qui veulent simplement jeter un oeil dans le coin. Pour les baptêmes, mon job consiste à faire un petit briefing (une quarantaine de minutes) pour faire une introduction à la plongée, puis embarquer les gens sous l'eau, faire quelques exercices et terminer la session par un petit tour d'une quarantaine de minutes sous l'eau pour essayer de le faire prendre goût à la plongée. C'est pas forcément facile pour tout le monde : certain sont plutôt confiants mais pas très doués, d'autres sont ni confiants ni doués, et d'autres font ça comme si c'était presque inné. Ça demande pas mal de patience, de vigilance et d'assurance et je pense que je m'en sortais pas trop mal. J'ai réussi à faire pleurer une fille qui stressait vraiment avant la plongée, mais qui en est ressortie, après beaucoup de patience avec un grand sourire sur le visage et un grand merci qu'elle ait eu une expérience finalement positive. Il a fallu beaucoup de pédagogie pour en arriver là... D'une manière genérale, j'ai eu beaucoup de commentaires positifs de la part des mes "invités", me remerciant d'avoir pris le temps de les aider, de les conseillers et de les rassurer avant ou pendant la plongée. Un adolescent australien m'a dit juste avant de partir qu'il espérait plonger aussi bien que moi un jour (woot), d'autres m'ont dit que de me voir aussi relaxé mais attentif sous l'eau les avait aussi beaucoup calmé et mis en confiance. Et les instructeurs avec qui j'ai pu plonger m'ont tous recommander de devenir aussi un jour instructeur, parce que j'en avais toute les qualités...

"Cours d'anglais" à Mesa

Mais le temps passe vite sur l'île et après 5 mois à cet endroit, il est temps de bouger. La décision n'a pas été facile : début octobre, alors que Chris et Joe, mes compagnons Divemaster avec qui j'ai fais mon cours et passé l'été s'en vont pour de nouvelles aventures, un peu fatigué par l'île, on me propose de rester un an de plus à travailler ici, en me payant ma formation d'instructeur, mon visa de travail (un vrai !) et avec un petit salaire. Proposition intéressante : je cherchais un moyen d'être instructeur sans payer le cours (c'est cheerrr), j'aimais bien l'île et les gens qui y restaient, la plongée ici est plutôt cool et ça aurait été un bon moyen d'avoir de l'expérience pour plus tard... Mais mais mais, j'ai refusé, malgré le coté paradisiaque du coin, il y a des personnes avec ce n'est pas facile de travailler, surtout pendant un an, coincé sur quelques centaines de mètres de long...

http://www.youtube.com/watch?v=7lwaFQWo3F8

Malgré tout, ce fut une expérience très enrichissante : mon niveau de plongée à énormément progressé, j'ai beaucoup plus de confiance et le fait d'être de "l'autre coté" et de s'occuper des gens au lieu qu'on s'occupe de moi rend les choses beaucoup plus intéressantes aussi... J'ai vécu sur une île "déserte" (enfin, pas vraiment en fait), au fin fond de l'Indonésie, coupé un peu du monde. J'ai mangé plus de riz et de piments que tout ce que la population de la planète n'a pu mangé jusqu'à présent, j'ai appris à parler un peu indonésien, et j'ai bien bronzé et repris un peu de forme là où j'en avais besoin (ça, c'est important).

Pour la suite, j'ai besoin d'un peu de repos...