Et hop, au Japon

Pluie et soleil dans Ohori

145 jours après arrivé initialement prévue, me voilà au Japon, tout au Sud, à Fukuoka dans la province de Kyushu. Ça tombe bien, c'est pas très loin de Nagasaki, et ça tombe bien aussi, parce que le jour d'après, c'est l'anniversaire de la bombe atomique sur la ville (ouais, bon anniversaire, woo !).

Bon, par contre, évidemment, tout les hôtels, auberges, etc. sont pleins depuis belle lurette. Je prévois donc de passer la nuit à Fukuoka, un peu par manque de choix. En arrivant, je suis Riley que j'avais rencontré à Busan dans l'auberge qu'il avait réservé, et on partagera une chambre double pour le prix d'un dortoir de 4 pour une nuit. J'ai pas grand chose à faire ici, la ville ne m'intéresse pas plus que ça, mais je ne me laisse pas abattre pour autant. Armé d'une carte de la ville mais sans boussole (sinon c'est pas drôle), je me dirige tant bien que mal vers le parc Ohori, apparemment superbe. Après 4 heures et demi de marche et un bon gros détour de plusieurs kilomètres, et après avoir sauvé une petite fille japonaise qui avait quelques soucis avec ses tongues, je me retrouve dans ce fameux parc, modelé sur un parc Chinois parait-il. Je dirais que ça ressemble un peu au parc que j'avais pu voir à Kaifeng au mois d'avril. Il fait chaud, il n'y pas de problèmes pour ça, j'ai du perdre deux litres d'eau à marcher dans la ville; le soleil ne sait pas trop ce qu'il doit faire. Arrivé à ce fameux parc, je me repose sous un des abris, et blam, il se met à pleuvoir : il doit faire 35°C dehors, le soleil filtre à travers les nuages et éclaire les innombrables goûtes d'eau sur le lac. Ça empêche pas les Japonais qui sont en train de se rentrer chez eux ou de faire leur footing de s'arrêter pour autant... Finalement, je rentre vers 19h30, après 5 ou 6 heures de marche. Ce soir, c'est jour de fête, ça fait 4 mois que je suis parti ! J'aurais droit à un superbe bol de nouilles instantanées et à une glace o/ (on se fait plaisir comme on peut).

Le 9 août, direction Nagasaki. Je pars prendre le bus qui relie les deux villes en 2h30 pour 2500 Yen, mais j'arrive à ma destination, il est déjà 11h00, les cérémonies sont terminées (une le 8 au soir, et une le 9 au matin, entre 8h30 et 10h45) :( Bon, de toutes façons, j'aurais sûrement pas compris grand chose si c'était tout en Japonais. Je pose mon sac dans une auberge un peu cosi et je file directo vers le Peace Park via l'un des viieeux tram de la ville. Je descends un arrêt trop tôt, mais j'aurais la chance (quelle chance) de voir un défilé de voitures noires aux vitres teintées encadrées par la police passé juste devant moi (j'imagine que ça devait être le premier ministre ou un gars du genre).

Mémorial près de l'épicentre

Le parc est juste à coté, il est pas très grand, peut-être 100 mètres sur 200 mètres. Au fond se dresse le monolithe qui indique l'épicentre de l'explosion en 1945; tout autour, sur une dizaine de mètres, des marches concentriques descendent lentement. Puis, tout le reste du parc est recouvert de briques dirigées vers l'épicentre : quand on rentre dedans, on ne sait pas trop si notre regard est aspiré ou bien soufflé avec violence depuis ce point central. C'est difficile à décrire, mais le résultat est assez saisissant (pourtant tellement simple) dès qu'on rentre dans le parc. J'attendais de venir à cet endroit depuis très longtemps et je suis assez ému; pourtant, il n'y a pas grand chose : juste cette grande place entourée d'arbre, ce truc qui se dresse au fond en peu en contrebas, comme si il était trop lourd et aujourd'hui entouré d'une ribambelle d'origamis d'oiseaux en papier de toutes les couleurs, une grande statue sur le coté et deux-trois explications par-ci par-là. Les gens vont et viennent, il y a un peu de monde, mais pas trop, les enfants cours tout autour, certaines personnes s'arrêtent et se recueillent, d'autres se font prendre en photo devant le monument. Les choses ont finalement l'importance qu'on veux bien leur accorder.

Derrière, sur une toute petite colline, se trouve le Peace Park (le vrai en fait, l'autre est juste le parc qui indique l'emplacement de l'explosion), avec plusieurs monuments du monde entier représentant la paix. En milieu d'après-midi, c'est en plein travaux : je me dis qu'ils sont pas très malin d'avoir prévu de faire des travaux pile ce jour là, mais je comprends (en fait) qu'ils doivent être en train de démonter les trucs qui avaient été mis en place pour la cérémonie. Il y a une petite expo photo à l'entrée avec une vingtaine de clichés, et des lettres des personnes invitées à participer à la cérémonie, mais c'est un peu trop le bazar pour en profiter je trouve.

Un peu plus loin se trouve le musée de la bombe atomique de Nagasaki, gratuit aujourd'hui. J'ai passé deux heures et demi dedans, un musée assez intéressant (avec des passages un peu hard-core) sur Nagasaki avant, pourquoi Nagasaki, les résultats de la bombe, une grande section témoignages (trop de monde et trop peu d'espaces :( ) et pour terminer, un historique de l'armement nucléaire dans le monde. On en ressort assez déprimé, le camion de glaces devant la porte d'entrée du musée est malheureusement déjà parti :/

Juste au dessus, en continuant de monter la colline, se trouve deux mémoriaux pour la paix : un de la ville de Nagasaki (qui était déjà fermé) et un autre dédié aux morts dûs à la bombe (ouvert un peu plus tard ce jour). L'entrée est un grand bassin circulaire de 10 mètres de diamètre à hauteur de hanche, profond de quelques centimètres et l'eau s'écoule lentement sur tout le rebord. Un peu excentré, un grand rectangle de verre vert pointe vers l'épicentre, quelques 200 mètres plus loin. À l'intérieur, après plusieurs salles de relaxation, juste sous le bassin, se trouve une grande salle rectangulaire très silencieuse; les parois de verre qui ressortent à l'extérieur descendent jusque ici et au fond se trouve sous un dôme en verre les noms des morts gravés sur des stèles. C'est très calme, zen, et propice à la réflexion, je suis tout seul ici et je reste quelques minutes à méditer sur tout ça. Un Japonais arrive, me voit tout seul assis sur un des bancs, et commence à discuter avec moi à haute voix et à me raconter son voyage en France en 1974. Il était gentil, mais c'était pas forcément très approprié.

Il est 18h quand je ressors, je commence à avoir faim -_- Ah oui, j'avais évidemment oublié mon appareil photo cet après-midi :/ J'y retournerais le soir, mais j'aurais mieux fait de rester à l'auberge...

Panorama de Nagasaki

Le lendemain, je pars me promener dans la ville. Je dois acheter mon passe pour les trains : il en existe plusieurs, le plus connu est le "JR Pass", qui permet de prendre quasi tout les trains (dont le fameux Shinkansen, le TGV japonais), mais qui coûte un peu la peau du cul et pas forcément super pratique car il n'est valable que très peu de temps (genre voyages illimités pendant 2 semaines). À mon avis, c'est bien si on reste que quelques semaines au Japon et qu'on veut voir beaucoup de trucs sur toute l'île. En ce moment, c'est les vacances, et il existe un autre passe, le "Seishun 18" (Seishun Jû Hachi Kipe), qui est bien moins cher (seulement 11500 Yen), valable pendant toutes les vacances (jusqu'au 10 Septembre) et permet 5 voyages, mais uniquement sur des trains locaux (genre TER). C'est le moyen le moins cher pour voyager au Japon (après l'auto-stop), à environ 2100 Yen le voyage, même si c'est super lent. Parfait, j'ai le temps.

Je voulais aller voir un musée "alternatif" (le "Oka Masaharu Memorial Nagasaki Peace Museum") sur ce qui s'est passé pendant la 2ème guerre mondiale avec le Japon, la Chine et la Corée, le sort des rescapés des bombes atomiques, et d'autres trucs dans ce genre. Apparemment, le gouvernement Japonais n'a jamais admis officiellement les actes de guerre faits par l'armée Japonaise en Corée et en Chine (apparemment, ça a massacré, pillé, réduis en esclavage de manière assez radicale et les Coréens l'ont un peu vénère) et ce musée (non-supporté par le gouvernement bien sûr) recenserait les témoignages, documents, vidéos et photos de ce passé. Malheureusement, le musée est uniquement en Japonais, documents et explications (il doit y avoir du Coréen et du Chinois aussi, mais c'est tout autant du chinois pour moi). Dommage, ça m'intéressait :(

Nagasaki est une ville assez charmante avec ces vieux trams et ces collines auxquelles grimpent lentement les maisons. D'ailleurs, il y a une grosse colline nommée Inasayama sur laquelle on peut aller avec une télécabine. Comme ça coûte un peu les yeux de la tête, et que ça a pas l'air bien haut, je décide d'y aller pieds, mais je sais pas trop par où commencer. Je pars vers le début de la télécabine, un poil en hauteur au pied de la colline, et on a déjà une chouette vue, et sur Nagasaki et sur les maisons aux alentours, reliées ensemble juste par des tout petits chemins. Au pied de la télécabine, il y a un petit temple, très calme, bercé par une petite brise. Je pars dans la forêt au dessus du temple en suivant un espèce de chemin, qui n'en est pas un au final, et après deux heures de marche et maintes recherches, je ne trouve pas de chemin. Toutes façons, il fait trop chaud, et j'ai la flemme de trouver un potentiel chemin, donc je laisse tomber.

En redescendant, je vais acheter des timbres dans une supérette pour des cartes postales (un Familly Mart, Lawson ou 7/11 tout les 50 mètres au Japon) : visiblement, les caissières ne savent pas trop le prix que je dois payer pour envoyer des cartes en Europe. Pas de problème, elles me disent d'attendre quelques minutes, le temps de passer un coup de fil pour savoir. Elle repassera un autre coup de fil juste après pour être sûr que c'est le même prix pour plusieurs pays d'Europe puis m'aidera à coller tout ces timbres sur mes cartes, tout ça avec un grand sourire... Je dis rien, mais j'en pense pas moins.

Quartiers Hollandais de Dejima

Nagasaki a aussi été pendant longtemps le premier et seul port du Japon servant de lieu d'échange avec les étrangers. Afin de ne pas perturber le pays par les commerçants venus d'Europe, ils avaient construits une petite île, appelée Dejima, en forme de croissant à l'entrée du port, reliée au "continent" Japonais par un seul pont étroitement surveillé (en gros, seuls les hauts responsables Japonais, les traducteurs et les ouvriers pour déplacer les marchandises pouvaient passer) (ah oui, et les femmes de compagnies aussi...) D'abord occupée par les Portugais, ils se sont fait exclure pour être remplacer quelques années plus tard par les Hollandais, qui sont restés pendant plusieurs dizaines d'années les seuls à échanger (officiellement) avec le Japon. D'ailleurs, quand Napoléon a envahi les Pays-Bas et a fait passer tout le territoire Hollandais sous le drapeau Français, cette petite île aurait été la seule à garder le drapeau Hollandais... Bref, aujourd'hui, il n'y a plus vraiment d'île, le port a beaucoup grossi depuis que le Japon s'est ouvert à l'extérieur à la fin du 19ème siècle, mais la ville de Nagasaki a décidé il y a quelques années de restaurer les bâtiments comme à l'origine, de redessiner l'île et d'en faire un musée, sur cet endroit qui avait un statut assez particulier pendant pas mal de temps...

Le soir, je devais aller faire un tour sur la colline derrière l'auberge pour profiter de la vue, mais je suis arrivé un peu tard, assez crevé, et je me suis payé un bon gros bol de Champon (en gros des nouilles avec pleins de trucs bon dedans; plat d'origine chinois je crois) avec un anglais de l'auberge.

Le lendemain, je dois partir pour Aso en utilisant mon tout nouveau passe de train : au programme, 7h30 et 5 changements de train pour faire environ 260km, grüt.